Nous devons à Madame Nicole Collet de nombreuses informations contenues dans ces pages.
Récit de Monsieur Roger Genoud: section des Neyrollands de l'Armée secrète (A.S.) de Nantua.
Voici quelques souvenirs de la modeste participation des Neyrollands à la Résistance en 1943-1944.
"A ma connaissance, les premiers contacts eurent lieu à l’atelier de Marcel FAVIER à l’automne 1943. Son beau frère Noël PERROTO (Capitaine Montréal chef de la zone Nord) nous présenta les premières armes parachutées : mitraillettes STEN, révolvers A noter également le 1er combat des Maquisards face aux G.M.R. qui eut lieu le 30 décembre 1943 au ‘Creux de la Fin’. Marcel Grumault fut le 1er résistant de l’Ain tué au combat.
Au printemps 44, Maurice STEISS (René II) chef de l’A S de Nantua et du secteur prend des contacts avec les Neyrollands pour former une section :Robert Garnier, Noël Guichard, Emile Tissot, Jean Brulé, Elysé Secrétan, Henri Cochet, les frères Ravichon et moi-même: une douzaine de volontaires.;
Quelque temps après, nous allons chercher nos premières armes une nuit aux vestiaires du stade de Nantua dont le grenier a été transformé en dépôt d’armes. Nous recevons l’équipement d’un groupe de combat : 1 fusil mitrailleur, 4 fusils anglais, et 4 mitraillettes.Plus tard Elisée Secrétant ira chercher seul dans une petite remorque, cachées sous des patates, les munitions et quelques grenades à l’usine Saint-Oyan (aujourd’hui immeuble du même nom).
Le tout sera caché dans une grotte au pied de la Roche de Malbronde.
Le 6 juin 1944 le débarquement tant attendu a lieu en Normandie.
Le 8 juin ordre est donné à toutes les forces de la résistance d’occuper la partie montagneuse du département. Nantua est la capitale de la zone libérée ! ! !
L’A.S. des Neyrolles doit couper et contrôler la nationale 84 au niveau du lac de Sylans.
D’abord sommaire, un barrage est implanté au bout du lac un peu avant la route de Charix, au niveau du parking des baraques de pêcheurs.
L’A.S. s’est renforcée avec les anciens combattants de 39/40 et nous sommes entre 20 et 24.
Il faut maintenant construire un barrage en chicane avec des troncs de sapin plantés dans la chaussée. C’est le camion de la scierie Duraffourg réquisitionné et conduit par son chauffeur Clément Allombert-Blanc qui assurera le transport des bois et des volontaires. Les repas sont pris dans les restaurants du Moulin de Charix et le barrage est construit assez rapidement. Deux équipes de 10 à 12 hommes assurent en alternance 24 heures de garde.
Donc tout va bien, mais les Allemands veulent liquider cette poche de résistance et attaquent la zone libérée de toutes parts. L’ A.S. de Nantua tient le barrage de Trébillet et résiste bien mais les armes sont rares et une bonne partie de notre armement doit leur être cédée. A part quelques fusils de chasse et mitraillettes, il ne nous reste pas grand’ chose ! Barrage Symbolique ! ! !
Mais l’occupant veut résorber cette poche de Résistance qui contrôle routes et voies ferrées, et met de gros moyens militaires ( opération Treffenfeld).
Le 10 juillet les nouvelles sont mauvaises, la défense de la zone libérée cède à Neuville s/ Ain et l’ennemi progresse sur Cerdon puis Nantua. Le 12 juillet dans l’après-midi ordre est donné d’évacuer la ville et de rejoindre les montagnes. Deux ou trois petits avions mitraillent villes et villages ; quelques bombes sont lâchées sur le barrage de Sylans et tombent au lac. L’équipe de garde ( avec Robert Garnier) est toujours au barrage et reçoit l’ordre de se replier.
C’est alors qu’arrive une grosse berline à gazo- bois, ce sont les inspecteurs de police de la Résistance de Bellegarde Mrs MONTVAL et CESSOT conduits par Mr BUET de Saint Germain de Joux ; ils disent avoir une mission à remplir à Nantua. Les Neyrollands présents essaient de les dissuader mais ils reprennent la route. Malheureusement arrivés au bas du village Des Neyrolles, ils tombent sous le feu de l’avant-garde allemande qui a installé des armes automatiques au niveau de la scierie Bonnevay. Le chauffeur BUET essaie de faire demi-tour sur le chantier de la tournerie Genoux, mais il ne pourra repartir en sens inverse. Il est indemne, l’inspecteur Cissot essaie de s’enfuir mais il sera retrouvé mort tout près dans un verger. L’inspecteur MONTVAL est blessé, il est soigné chez Mme Perrin puis remis sur le trottoir. Quelques minutes plus tard il sera criblé de balles et BUET sera fusillé (un monument est érigé à cet endroit et rappelle leur sacrifice).
Les troupes allemandes composées de Cosaques et de Mongols (armée Vlassov) continuent de progresser sur Les Neyrolles, tirant sans arrêt et pillant les maisons (surtout victuailles, vins, alcool etc…) Quelques otages sont arrêtés et conduits sous la scierie Bonnevay. Heureusement, ils seront relâchés dans la soirée.
Le lendemain 13 juillet est plus calme, bien que le pillage continue : postes de radio, motos, vélos tout est bon. Plusieurs femmes sont réquisitionnées pour faire les repas des troupes occupantes. Il ne leur sera fait aucun mal, le plus dur était fait.
Le garde champêtre de Nantua a eu la triste tache de récupérer les 3 cadavres qui gisaient toujours à l’entrée du village. Ils allèrent rejoindre les nombreux autres récupérés en ville, aux Bains, et à Béard. Quelques jours après, vers le 16/17 juillet les troupes allemandes se replient.
Pas de déportés - Pas de fusillés - Pas de maisons brulées
Les Neyrollands ont eu peur mais s’en sont bien tirés".
Nantua, mars 2005 Roger GENOUD
Voici la plaquette éditée par l'instituteur à la Libération
Embuscade du 30 décembre 1943
Le 30 décembre 43, un engagement sévère oppose un escadron de G.M.R. (Groupe Mobile de Réserve futur C.R.S.), du groupe Minervois, à une section du camp Nicole, emmené par Lamblot Maxime, du P .C..
Les G..R.commandé par Rampal, sont installés depuis deux semaines à La Cluse. Vichy craignait des incidents à a suite de la rafle à Nantua. Maxime avait été chargé par Romans de négocier avec les G.M.R. et d’obtenir un modus vivendi équitable aux deux parties, qui souhaitaient contrôler le carrefour de La Cluse.
Nurieux, le soir du 30, Annibal est arrêté par un barrage de G.M.R..
Au cours de la même nuit Maxime tend un guet-apens pour faire quelques prisonniers et être ainsi en position de force pour négocier.
Maxime s’embusque sur la route de Nantua à Bellegarde un peu avant les glacières du lac de Sylans. Un coup de fil prévient les G.M.R. que des maquisards sont aux prises avec un camion en panne dans la montée de Sylans.
Contrairement aux prévisions de Maxime, les G.M.R. arrivent en force. Marcel Grumault et J. Thérond s’avancent pour parlementer, les G.M.R. ouvrent le feu sans sommation : Grumault est tué sur le coup, Thérond gravement blessé arrive à se dégager (il est repris le lendemain). Jean Billard d’Hauteville, l'infirmier de la section qui se porte à leur secours, est fait prisonnier.
Thérond et Jean Billard sont transférés avec Annibal à Saint-Paul à Lyon. Maxime et la section du camp Nicole se replient puis contre attaquent vigoureusement. Les G.M.R. fuient affolés, tirant de leur camion à tord et à travers jusqu’aux premières maisons de Nantua. Trois G.M.R. sont tués, il y de nombreux blessés;Jean Billard et Thérond accompagnent Annibal à la prison de Sain-Paul à Lyon. Billard et Annibal (François Bénézy) seront déportés, Thérond s'évadera de St-Paul mais sera blessé dans les combats d’août 44.
Quelques jours après Girousse "Chabot" , chef du Groupement sud, adresse une mise en demeure au commandant des G.M.R..
"Je ne considère pas l’opération du 30 décembre 1943 comme un succès bien que les pertes que j’ai à déplorer soient plus faibles que les vôtres, mais j’estime que quel que soit le résultat, il ne peut être question de succès dans l’issue d’une lutte entre français. J’aurais du vous écrire avant, mais je tenais à connaître vos sentiments. Vos hommes se sont chargés de le faire. Je sais, par eux que vous nous considérez comme des hors-la-loi qu’il faut détruire et vous nous l’avez prouvé dès votre arrivée dans la région.
C’est pourquoi j’ai tenu à vous montrer que vous ne pourriez pas poursuivre impunément votre action contre nous.
Je tiens à vous préciser que les terroristes que j’ai l’honneur de commander sont des soldats, des soldats français, que nous n’avons qu’un seul but : libérer notre pays.
Je tiens également à vous prévenir qu’en essayant de gêner notre action, vous faites le jeu de l’ennemi, que vous vous conduisez en traître et que vous serez considérés comme tel."
Parcours de deux Résistants: Pierre Névoret Dbt à Dr
Maquisard sous le nom clandestin de ZAMOR
Originaire de Nantua il est fiancé à une neyrollande : Antonine Pesanti
- engagé en 1942 dans l'armée d'Armistice pour un contrat de 3 ans (armée de 100.000 hommes en zone libre).
- démobilisation fin novembre 1942 lorsque la région devient zone occupée
- Janvier 1943 : travaille dans l'entreprise Emile Humbert aux Neyrolles
- 14 décembre 1943 : échappe à la rafle du 14/12/1943 de Nantua en se cachant dans une maison
- Janvier 1944 : rentre au maquis et se retrouve au camp de triage sur le Mont au-dessus de Nantua
- Février 1944 : est affecté au camp « Nicole » et participe à l'accrochage d'Evosges ( plateau d' Hauteville) avec les Allemands (3 morts chez les maquisards).
- Fait partie de l'A S Nantua et effectue les liaisons entre l'A S et le P C de Romans Petit
- Début juin 1944 : rejoint le groupe « Jo » (lieutenant Georges Bondue) où se retrouvent plusieurs Nantuatiens : Daim, Porret-Blanc, Falconnet, Martin etc....
- Début juillet 1944 : contre attaque Allemande, participe à Coiselet à la défense de la route Thoirette-Arinthod .
Repli au Crêt de Chalam et surveillance de la vallée de la Valserine à partir de mi-juillet 1944.
- Courant août : libération du Pays de Gex( Divonne)
- 1er septembre 1944 : action contre les Allemands à la Combe de Morbier : 2 blessés
- 3 septembre : rencontre avec l'Armée du Midi
- Rentre à Divonne où les blessés sont rapatriés en Suisse
- Automne 1944 : Sergent dans la compagnie territoriale du capitaine Louis
- 25 novembre 1944 : mariage avec Antonine Pesanti
- Janvier 1945 : incorporé comme sous-officier au 8eme régiment des tirailleurs Marocains de l'Armée De Lattre De Tassigny il participe à la campagne d'Alsace.
- Avril 1945 : démobilisation mi-avril et retour à la vie civile.
Gaby FERNANDEZ
Jeune Maquisard originaire de Lyon, blessé recueilli par Mme Beausoleil le 12 juillet 1944 - Témoignage de Monsieur Roger Genoux (à gauche avec le calot)
A 19 ans en 1942 il s'engage dans l'armée d'armistice à Lyon mais rejoint le Maquis lorsque Lyon est "occupé".
Fin 1943 il est intégré au camp Michel (Georges Béna) à Brénod.
Début 1944 il est au centre de triage du Mont au-dessus de Nantua.
Il est engagé dans diverses actions du Maquis (Belleydoux).
Il participe en juillet à la défense de la route Thoirette- Arinthod où il est sérieusement blessé à la jambe
Transporté à Nantua il est opéré à l’hôpital par le Dr Touillon (le Dr Touillon et Fernand Geoffray le Directeur accueillent les blessés du Maquis depuis début 1943 et ont sauvé de nombreuses vies).
Les Allemands arrivent à Nantua le 12 juillet. Gaby est évacué de toute urgence avec d’autres blessés, en ambulance, vers un camp du Maquis.
Aux Neyrolles l’ambulance est mitraillée par un petit avion allemand, Gaby sort du véhicule et se retrouve dans un champ ‘Au Passolet’ où Mme Beausoleil le récupère et lui sauve la vie en le cachant dans la maison ‘Paviot’ (ou ancienne fruitière).
Il est caché dans le grenier de cette maison inhabitée. Les Allemands fouillent la maison, mais ne le trouvent pas. Mme Beausoleil, ses filles et la famille Saddy lui apportent la nourriture et le réconfort.
Sa blessure à la jambe s’est rouverte et s’infecte, la gangrène menace – Mme Mercier de Nantua fait le nécessaire mais il doit être évacué pour survivre. Il est transporté en moto au Poizat par le facteur où il est récupéré par le Maquis.
Il est dirigé au camp du Crêt de Chalam sur l’hôpital du maquis où le chirurgien Anglais PARSIFAL (Geoffrey Edward Parker spécialiste de la chirurgie de guerre) l’opère et sauve sa jambe.
Guéri, il continue la guerre dans l’armée du général Leclerc jusqu’en Allemagne.
Après la guerre il reprend contact avec Mme Beausoleil qu’il considère comme sa deuxième mère et lui sera éternellement reconnaissant de lui avoir sauvé la vie en juillet 1944. Actuellement il s’établit dans le midi à Mornas.
Un inconnu - Léon Mermet - Burnet - témoignage de Mr Marcel Giraudon
Le 17 avril 1944, une automobile chargeait à l'Hôtel de France à Nantua, un grand jeune homme d'environ 20 ans, vêtu "en maquisard", comme on disait communément. Quatre soudards allemands encadraient ce malheureux. La voiture prit la direction des Neyrolles.
A un kilomètre à la sortie EST du village, à proximité de l'entrée du tunnel de Sylans, les quatre nazis firent descendre le Français, le conduisirent dans un petit bois à quelques kilomètres de la route nationale et l'abattirent froidement: une balle à la ceinture, une autre à la nuque, puis leur crime consommé, ils rentrèrent à Nantua.
La scène rapide avait eu des témoins éloignés, mais les renseignements ne furent pas communiqués à temps. Dans la région, alors la terreur régnait.
La dépouille ne fut découverte que trois semaines plus tard, le 9 mai, par un chercheur de champignon,, Mr Hector Pay: le visage était dévoré et méconnaissable; le corps décomposé devait être inhumé au cimetière des Neyrolles.
La gendarmerie, appelée pour l'enquête préleva quelques papiers qui auraient peut être permis l'identification. Ces documents, photos en particulier, furent détruits à l'arrivée des Allemands, lors de représailles du 12 juillet 1944.
A la Libération, le Service de Santé, fut avisé ainsi que la Préfecture et le Service des sépultures à Paris. En janvier 1946, nous pensions enfin connaître l'identité de la victime, mais aucune réponse ne parvint à la suite de la longue lettre circonstanciée qui fut alors adressée.
La tombe devait être entretenue par des mains pieuses même sous la botte hitlérienne et les honneurs furent rendus par la population à chaque manifestation patriotique: 6 mai, 1 juillet et 1 novembre 1945.
Le Comité local de la Libération des Neyrolles considéra qu'il serait digne d'assurer à la sépulture un emplacement en rapport avec le sacrifice. La municipalité, et qu'il serait juste que le crime des assassins soit stigmatisé par une inscription durable sur une plaque ou une stèle. La municipalité fit procéder à l'exhumation du corps et au dépôt du cercueil au Monument aux Morts le 12 mai 1946.
Pour mener à bien l'érection de la stèle proposée, fut sollicitée la générosité de la population du village, qui répondit à cet appel en versant au total 7.000 F (1946); cette somme n'étant pas tout à fait suffisante, le Comité décida l'édition d'un "Mémorial de la guerre 1939-1945 pour la commune des Neyrolles". La vente de cette plaquette rapporta 4.000 F., ce qui permît de réaliser le projet.
Le monument fut exécuté par M. Charrier, marbrier à Nantua; il portait l'inscription suivante: "Ici, un F.F.I. inconnu a été lâchement assassiné le 17 avril 1944 par les barbares nazis".
L'inauguration de la stèle, placée en bordure de la route Nationale à la hauteur du lieu du crime, eut lieu le 14 juillet 1946 avec un grand concours de population, les organisations de Résistance et les enfants de l'école. Au cours de cette manifestation, un discours fut prononcé qui rappelait, entre autre, les circonstances du drame. Cette allocution fut reproduite intégralement par les journaux de la région: le texte devait être connu de l'entourage de la famille Mermet-Burnet, de Choux par Viry (Jura).
A la suite d'une correspondance échangée en août et septembre 1946, la certitude paraissait acquise que le martyr était bien le fils unique de cette famille. Il fut procédé, le 22 octobre, à l'exhumation du corps qui fut reconnu - surtout grâce aux chaussures - pour être celui de Roger Léon Mermet - Burnet, né le 30 août 1922 à Belleydoux; il fut alors inhumé à Choux.
Evadé des Chantiers de Jeunesse, traqué, Roger Mermet-Brunet avait été arrêté par la Gestapo à Choux dans le Jura, alors qu'il ne possédait sur lui aucun papier d'identité, puis conduit à Nantua le 16 avril 1944 et lâchement exécuté le lendemain.
" Aujourd'hui, dédions ce 14 juillet 1946, réunis pour l'inauguration d'un monument qui doit perpétuer, avec combien d'autres, hélas ! la noblesse de l'héroïsme français et la sauvagerie de l'occupant, nous nous recueillons, comme le fera cet après-midi l'innombrable foule devant le monolithe de Maillat élevé à la mémoire du Docteur Mercier, à la pensée de tous ceux qui ont sacrifié leur tranquillité, leur vie, qui ont risqué la prison, la torture, la mort, pour redonner à notre pays la liberté perdue en 1940.
Victimes anonymes ! Combien la France en connaît-elle ? Toutes celles des innombrables charniers, des fours crématoires, des exécutions massives d'otages: rien qu'à Auschwitz, entendez bien, 180.000 victimes, dont il ne restait qu'un peu de poussière...."