Jean Billard est né à Hauteville dans l'Ain, le 19 décembre 1923. À l’âge de 20 ans, il rejoint l'un des camps du chantier de jeunesse de Cormatin. En remplaçant le vaguemestre, il voit une liste de jeunes gens destinés à partir pour le STO. Son nom n'y figure pas, mais il décide de s'enfuir. Dès qu'une occasion se présente, il se cache, se rend en train à Lyon, puis à Tenay (Ain) d'où il regagne, à pied, Hauteville et la maison familiale.
Rapidement porté déserteur, il est recherché par la gendarmerie. Avec l'aide d'un garagiste ami de son père, et du boucher de Corcelles, il rejoint les maquisards locaux. D'abord dissimulé dans une grotte, le groupe «Nicole» s'installe par la suite dans le Valromey. Aux Neyrolles, près de Nantua, le jour anniversaire de ses 20 ans, lors d'une embuscade tendue aux militaires du régime de Vichy (les G.M.R., Groupes Mobiles de Réserve), Jean Billard est fait prisonnier et conduit à la prison Saint-Paul de Lyon. Il y reste plusieurs mois sans jugement.
Après les débarquements alliés sur les plages françaises, les Allemands acheminent les « terroristes » vers l'Allemagne. Grâce aux cheminots de Perrache, qui mettent toute leur énergie à ne pas satisfaire les exigences allemandes, le convoi de Jean Billard est constitué de wagons de voyageurs au lieu des wagons à bestiaux habituels.
Le train arrive à Dachau, le plus ancien camp nazi. D'abord réservé aux prisonniers politiques allemands, il reçoit alors les étrangers mis « en quarantaine» avant d'être envoyés dans des camps de travail dont ils ne doivent pas revenir. Jean Billard devait rejoindre les carrières de pierre de Matthausen, mais il est sauvé par un prêtre hollandais qui sert d'interprète aux autorités du camp. Il est affecté à l'usine BMW qui fabrique des moteurs d'avions près de Munich. À l'atelier de démontage des moteurs usagés (les pièces en bon état servent de pièces de rechange), il travaille 12 heures par jour (de 6 h à 18 h avec une brève pause pour avaler la maigre soupe de la mi-journée), 6 jours sur 7, sous l'œil vigilant de civils pointilleux. Avant le départ pour l'atelier et au retour du soir, les prisonniers sont soumis à l'appel de leur matricule qui doit être mémorisé en langue allemande. Jean Billard n'existe plus: il est devenu le matricule 75 949.
Au cours du printemps 1945, l'aviation alliée bombarde régulièrement les usines et, au sol, les canonnades se rapprochent. Les SS de Dachau s'enfuient sans avoir obéi à la consigne de détruire les installations et les témoins. Les prisonniers s'organisent pour survivre; ils attendent trois jours avant de voir arriver les Américains. Installés dans des maisons dont les habitants ont été chassés, ils sont nourris et reçoivent des vêtements civils. Ils sont ensuite ramenés à la frontière où les autorités françaises les prennent en charge.
Quand Jean Billard rentre enfin à Hauteville, il est d'une maigreur extrême. Il apprend que, pendant qu'il était détenu à Lyon, son père, Claudius Billard, a été arrêté par la Milice puis conduit dans la région de Mauthausen où il a péri gazé.