Au dessus de Montgriffon, le camp des Gorges a été crée le 10 juin 1943 par un certain Henri Petit, capitaine de réserve qui deviendra bientôt le célèbre capitaine Romans. vidéo: Hubert Mermet
Marcel Démia maraîcher à Ambérieu est rentré fortuitement en rapport à Saint Etienne avec H. Petit, coupé des instances de la Résistance après l’arrestation de Jean Nocher.
Ils sont tous deux préoccupés par la nécessité d’aider les réfractaires. Marcel Démia lui fait rencontrer Marius Chavant, agriculteur et adjoint au maire de Montgriffon. Il aidait les réfractaires en leur assurant gîte et couvert. Chavant met en relation H. Petit avec deux garagistes : Octave Tardy de Brénod et Jean Miguet d’Hauteville.
Extriat d'un journal des anciens du Maquis: Témoignage
Henri Petit (Moulin) ouvre son premier camp le 10 juin à la ferme de Gorges sur recommandation de M.Chavant. Les pionniers du camp de l’Avocat, conduit par Louis Juhem « Coco », fils d’un agriculteur de Corlier, rejoignent La ferme des Gorges. (cf. Camp de l'Avocat)
Témoignage de Marius Roche: « Début juin 1943, Hubert Mermet nous signale qu’un capitaine aviateur cherche à regrouper les réfractaires réfugiés dans cette région. Louis Juhem (Coco), originaire de Corlier où toute sa famille est engagée dans la résistance naissante, confirme ce renseignement et nous conduit dans la nuit du 9 au 10 juin à la grange de Faysse où doit se tenir une réunion de l’Armée Secrète en formation. Il sera abattu par les Allemands le 11 avril 1944 à Boyeux Saint Jérôme.
Là se trouve une dizaine de jeunes réfractaires en provenance de Saint-Rambert en Bugey, commandés par un jeune officier nommé Mauro-Martin qui ne fera pas carrière dans la résistance. A la demande de cet officier qui réclame deux volontaires, Julien, Charles et moi donnons notre accord et nous sommes tous les trois conduits avec Hubert dans cette même nuit du 9 au 10 juin 1943 à la ferme des Gorges à Montgriffon.
Là nous rencontrons vers midi le capitaine Moulin qui a besoin de faux papiers. Julien lui établit une carte d’identité qui fait de Moulin le capitaine Romans, domicilié au 22 de la rue de Rozier à Ambérieu en Bugey, aujourd’hui rue de la République.
Les familles Marius Chavant et Marcel Démia d’Ambérieu en Bugey prennent en charge la subsistance de notre petit groupe. Nous organisons une garde permanente autour de cette ferme.
Marius Chavant sera fusillé par la milice chez lui à Montgriffon le 9 février 1944.
Le capitaine Romans décide de créer la première école des cadres des Gorges dirigée par Pierre Marcault, instructeur en armes et explosifs. Ce sera le départ de la résistance armée dans les maquis naissants. Nous sommes le 10 juin 1943.
Henri Petit troque son pseudonyme de Moulin pour celui de Romans. L’épopée du capitaine Romans peut commencer.
Il installe son P.C. à la ferme des Gorges, il est entouré du Lieutenant Mauro Martin, de « Coco » Juhem , des frères Roche, de Charles Faivre, de Pierre Marcault, d’Hubert Mermet, Marcel Grumault, de Pierre Bobenrieth « Bob » jeune alsacien et de René Guillemot.
Ce camp se distingue des maquis refuge d’alors, par une volonté de se préparer à la guérilla. Les réfractaires disséminés sur le plateau sont dirigés sur le camp. Martin est nommé responsable du camp.
Le ravitaillement est fourni par des familles d’agriculteurs : Turcs, Juhem, Chavant, et Monnier ; ainsi que deux hommes « d’en bas » Joannès Tarpin, hôtelier à Serrières et Marcel Démia.
Après la création d’un deuxième camp à la ferme de Terment, le camp de la ferme des Gorges sera consacré à l’instruction et à la formation de cadres, sous la responsabilité de Pierre Marcault.
Sur ce sujet, voici un texte, extrait d’un bulletin d’anciens du Maquis :
"Ce matin de mars 1943, la vie coulait monotone et feutrée au sein du moulin familial ; moulin de guerre : angoissant, les troupes de l’axe toujours puissante sur tous les fronts.
Je rentrais des chantiers de jeunesse et l’avenir pour tous les garçons de mon âge n’était que doute et désillusions et tout à coup la fameuse convocation pour le STO. Je suis désigné pour occuper un emploi à ce titre et invité à me présenter au bureau de placement allemand, à la mairie d’Ambérieu, le 18 mars 43 à 9 heures du matin, pour la signature du contrat et recevoir toutes les directives en ce qui concerne les modalités de ce départ. Je regardais mon père et dans son regard je compris que nous étions d’accord : je ne partirais pas. Le moment était venu, mais où aller, le régime de Vichy nous rayait du monde.
Réfractaire, plus de domicile, plus d’état civil, plus de carton d’alimentation, plus rien. Après de longues recherches mon père trouva enfin un point de chute. C’est ainsi qu’avec trois camarades qui partageaient mes résolutions, Jean Deloisy, René Veinière et Marcel Grummault (il devait trouver la mort aux Neyrolles le 31 décembre 1943, tué par les GMR), nous partions dans la nuit du 17 au 18 mars en direction de Montgriffon. Nous atteignons Nivollet au lever du jour et passons cette journée dans la montagne surplombant ce pays et, la nuit suivante nous arrivons au-dessus de Montgriffon, petit village montagnard.
Je garderais toujours dans ma mémoire le souvenir de la rencontre que je fis ce matin du 19 mars avec Marius Chavent, maire de Montgriffon (car ce point de chute était dans cette famille). C’est avec des hommes comme lui que nous avons pu survivre. Il paya de sa vie l’aide qu’il prodigua à toute cette jeunesse errante et famélique avant que ne s’organise ce qui serait plus tard le maquis. Sa fille Dédée, son fils Jean, eux aussi à sa cause, multipliaient les efforts.
Nous étions quatre et il nous fallait un abri ; nous passions la journée dans cette famille et c’est alors qu’arrive un dénommé Victor Liméré, le propriétaire de la ferme des Gorges. Jean Chavent lui demande aussitôt s’il peut nous loger dans cette ferme qui correspond bien à notre situation. Elle est isolée au fond d’une vallée, au milieu des bois ; il accepte aussitôt : la clandestinité commençait. Quelques nuits plus tard, nous faisons la connaissance, dans une grange au-dessus de Saint-Rambert, du capitaine Romans qui allait devenir notre patron.