"De la défaite à la victoire au pays d'Alphonse Baudin" ( Paulette Mercier)
"Les allemands déclenchèrent une attaque générale le 10 juillet, sur l’ensemble de la zone « libérée ».
L’A.S. de Nantua avait quitté Nantua le 11 juillet pour Saint- Germain de Joux, (le barrage de Trébillet ayant cédé.). L’ordre de décrochage fut donné à l’ensemble des troupes, le 12 juillet.
Les Allemands gravissaient la côte de Cerdon......
Que faire ?... Il n’y avait rien à faire....
Les soldats de l’A.S. étaient partis.
Nantua allait être déclarée « ville ouverte ».
Le directoire municipal brûlait ses dossiers in extremis.
Il n’y eut plus que des situations particulières. Chacun envisagea le problème à la lumière de sa conscience, en regard de ses responsabilités. Les pentes de la montagne s’offraient à tous..... et la route de la Destinée à laquelle aucun de nous ne peut échapper.
Les allemands arrivèrent à 16 heures, depuis une heure quatre avions survolaient la ville, à basse altitude, tirant des rafales de mitrailleuse."
Arrivée des Allemands à Nantua (témoignage de l'abbé Bouvet)
"Le mercredi 12 juillet, c'est la panique. On fut averti par les détenus politiques du camp de Saint-Martin du Fresnes, libérés depuis 5 H par le secrétaire de Mairie qui en avait reçu l'ordre par téléphone. Les détenus racontent qu'on leur avait dit :"Vous êtes libres, les Allemands arrivent".
Je vais aux renseignements au P.C. du Crédit agricole, c'est l'affolement. On entasse tout ce qu'on peut dans des camions, et vite on démarre. C'est l'affolement....
Je vais vite au collège. Le drapeau avec la croix de Lorraine est toujours au dessus de la porte d'entrée. "Vite, enlevez le et brûlez le !", je descends,direction de la place d'Armes et je trouve Grézel sortant de chez lui. Il est 15H 30, je rencontre le greffier Goujon. "Avez-vous pensé à libérer vos maquis ? Allez vite les libérer, autrement vous risquez de les faire fusiller" Maître Boujon part en courant. Je continue vers la Grande Rue .Nous remontons du coté du lac et arrivons au Monument aux Morts, pensant que les Allemands arrivaient par la route nationale. Un concitoyen nous dit: "voyez, ils arrivent par la route de Port".
Nous retournons sur nos pas par la route nationale. En passant je monte chez notre camarade Mugnier, conseiller adjoint. Nous apprenons qu'il est parti avec le maire. Mr Dossoy l'a entraîné, en lui disant: "Filons, autrement nous serons fusillés". Je rejoins Grézel, devant l'Hôtel Giraud (futur Hôtel de Lyon), nous devons nous abriter: les balles pleuvent. Devant la gendarmerie, nouvelle pluie de scharpnels. Je perd Grézel rue Paul Painlevé. Je vois la file de prisonniers allemands qu'on dirige en dehors......J'arrive devant le Palais de Justice. Toujours pas de Grézel; Comme je vais trouver d'Humières au Greffe, je monte vers lui et lui explique ce qui vient de se passer. En ce moment, en regardant par la fenêtre, nous voyons une colonne allemande déboucher au coin de la Place d'Armes, coté rue Paul Painlevé !
Plus d'hésitations. "Venez avec moi" lui dis-je; "nous allons parlementer avec les Allemands. Grézel va nous rejoindre". Nous sortons. Pendant qu'une partie de la colonne continue dans la rue Paul Painlevé, l'automitrailleuse et son accompagnement tourne à gauche, longe la place et arrive un peu en avant de la Grande Fontaine. Pas une personne dans la rue du collège, les persiennes sont fermées. Nous avançons,Maître d'Humières agite un mouchoir blanc qu'il tient à la main gauche. Je vais à coté de lui. L'automitrailleuse fait un léger à droite, le canon braqué sur nous ! ....
Enfin le capot s'ouvre et un officier apparaît. Il avait devant lui les deux représentants de la population puisque toutes les autorités étaient parties: plus de sous Préfet, plus de Maire, plus de magistrats, plus de gendarmes.
- Qui êtes vous ?
- C'est monsieur d'Humières, répond le premier, "Un prisonnier politique du Maquis, juge au tribunal et libéré ce matin; mon collègue monsieur l'Abbé Bouvet, aumônier militaire qui a été le défenseur des accusés devant le Conseil de guerre.
- Où est le Maquis ?
- Parti dans la montagne. Sur mon honneur, je vous jure qu'il n'y a plus de Maquis en ville.
- Où est le Maire de la commune ?
- Je (l'Abbé Bouvet) répond moi même: le maire nommé par le directoire est parti; l'ancien Maire qui est mutilé n'a pas pu venir.
- Nous le remettrons en place. Nos prisonniers, où sont-ils ?
- Partis depuis une heure en direction de Bellegarde.
- Les prisonniers politiques ?
- Ils sont encore à la prison, Vous pouvez venir les voir.
- Le Maquis prisonnier ?
- Libéré depuis un moment.
.......A ce moment,le Docteur Grézel nous rejoignit; on le présente comme le président de la Légion. L'officier saute du blindé et nous dit: "A la prison".....Le rassemblement de tous les prisonniers, effectué dans le hall central, l'officier commande: " Tous les miliciens, tous les P.P.F. hors rang !" Aucun des inculpés de Nantua et de Saint-Claude, ne se présente. Trois inculpés seulement sortirent. L'officier continue: " Condamnés à mort, vous êtes libres." 80 prisonniers étaient ainsi libérés."
Plaquette "Alphonse Baudin, suite:
Les soldats arrivèrent par les deux routes longeant le lac. Immédiatement des groupes partent en patrouille sur les pentes du Mont, du Signal et de Chamoise, tirant sans arrêt. D’autres pénètrent dans Nantua à grand bruit...... à ce moment là un pauvre garçon qui essayait de s’enfuir fut abattu prés de la gare.
Les Allemands prennent possession du Groupe scolaire et y installent leur Q.G.
Le gros de la troupe est constitué par les « Mongols » encadrés d’Allemands. Un Etat-Major de Division occupe l’Hôtel de France. Ils sont accompagnés de Waffen SS français qui s’installe dans l’Hôtel de Ville.
Une colonne motorisée continue sa progression sur la route des Neyrolles. A la hauteur du Château de Pradon, elle rejoint les prisonniers allemands capturés par les F.F.I. ; ceux qui les emmenaient peuvent fuir dans la montagne.
L’un d’eux revient malheureusement trop tôt à Nantua ; reconnu, il est sauvagement maltraité et sera fusillé à Bourg quelques jours plus tard.
Les prisonniers reviennent à Nantua en vainqueurs.
La seconde capture de la colonne motorisée en marche sur Charix est celle de l’ambulance dans laquelle ont été évacués les blessés de l’Hôpital. Les malheureux sont ramenés à l’hôpital, terrorisés.
Le lendemain, à huit heures, le tambour de la ville ordonne à la population de se rendre sur le Champ de foire ; les portes des maisons doivent être laissées ouvertes.
Autour d’une table, au milieu du Champ de Foire, siègent le commandant allemand et quelques officiers.
Les femmes sont groupées par rang d’âge, les allemands défilent devant elles : « Regardez bien et signalez-nous celles qui ont été incorrectes avec vous ». Aucune d’elles n’est désignée...
Trois femmes furent cependant arrêtées et conduites à l’école ménagère, probablement dénoncées. (dont Madame Odette Borgis, Anne Ulliet ndlr)
Les mêmes contrôles sont subis par les hommes, certains sont désignés ....et sont interrogés par le commandant, qui les gifle.
Tous les hommes de moins de quarante-cinq ans sont emmenés au groupe scolaire. Le visage contre le mur, sous la menace d’une mitrailleuse, ils restent ainsi jusqu’au soir, constamment menacés.
Les interrogatoires subis par les hommes arrêtés dans la montagne ou en tenue de maquisard étaient dramatiques.
De tous coté dans la montagne retentissent des rafales de mitraillettes : quatre membres de l’A.S. de Nantua furent pris dans la forêt de Chamoise et exécutés. (Noms)
Le vendredi matin (le 15) a lieu, aux aurores, la première exécution, celle d’un brancardier F.F.I. (nom + plaque hôtel de France ?). A huit heures sept nouvelles victimes sont fusillés au Stade Nautique, ce sont les quatre désignés par les prisonniers allemands, un maquisard malade arrêté chez lui et deux inconnus.
Les interrogatoires se poursuivent jusqu’au dimanche 17 juillet.
Le lundi matin, l’état-major et la colonne allemande qui avait procédé aux opérations à l’intérieur de la ville, quitte Nantua.
Ils emmènent une quinzaine d’hommes ; quelques uns seront libérés en cours de route. Cinq des nôtres:
Lugand Louis 75 anns, Barbe Emile, Nicoud Jean, Vion-Delphin Marius, Guy Roger. sont emmenés et nous n’aurons jamais plus de leurs nouvelles.
Ils emmènent en outre neuf prisonnières retenues à l'Ecole Ménagère:
Mmes Vercher, épouse du commandant de la prévôté, Brunet, Lheureux et Bosch, épouses de gendarmes, Odette Borgis, Anne Ulliet, Terrier, Boichot et Erlich.
Emmenées à Drancy, elles seront libérées le 17 aout par les F.F.I., juste avant d’être envoyées en Allemagne.
Mme Erlich, de confession juive est déportée dès son arrivée à Drancy
La colonne allemande à peine partie, des cars débouchent de la route de La Cluse...pleins d’uniformes allemands. Ce sont des uniformes en guenilles sur des hommes présentant un type asiatique accusé : ce sont des Mongols, des Tartares, des Cosaques.
Les Allemands les envoient écumer les régions qu’ils veulent châtier.
Ils logent à l’école ménagère, et partent en colonne piller, saccager et violer les femmes dans les montagnes et villages environnants.
Le 19 juillet, un patriote d’Izernore était sauvagement égorgé à l’Hôtel de France.
Ces Mongols restèrent une semaine à Nantua, qu’ils quittèrent le lundi 24 juillet."
A l’hôpital :
"Nous avons vu que lors de l’avancée rapide des Allemands, une ambulance avait été rattrapée. Les blessés furent ramenés à l’hôpital où se trouvait une dizaine de blessés intransportables. Quatre blessés allemands, prisonniers des F.F.I., y étaient aussi en traitement. Ils sont ainsi interrogés chaque jour et tourmentés, à tour de rôle, par le Allemands, la Gestapo et la Milice.
Finalement la S.D., la fine fleur de la Gestapo, désigne sept blessés qui doivent être mis à part.
Le 15 juillet la Milice fait irruption à l’hôpital, emmène neuf blessés, huit eurent la vie sauve et transportés dans un hôpital de Bourg.
Le neuvième, hélas, Boby Gaillot, était un ennemi déclaré de la Milice ; il leur avait déjà été arraché une fois à Bourg, quelques semaines auparavant. Il fut abominablement torturé à Bourg, puis fusillé.
Le mercredi 19 juillet, les allemands arrivent en nombre à l’hôpital, accompagnés de Waffen SS français. Ils font charger les sept blessés que le S.D., avait désignés, dans un camion à benne basculante, et les emmènent, à quelques kilomètres de là, dans une carrière de Montréal.
Photo plaque La X chalon Leurs corps seront retrouvés là, alignés sur deux rangs, à même le sol, mitraillés. Trois d’entre eux avaient déjà été pris comme otages à Saint-Rambert, fusillés, ils avaient été laissés pour mort sur le terrain."
Rapport de gendarmerie et déposition de Fernad Geoffray