A l’aube du samedi 5 février 1944, l’opération Caporal débute, déversant des troupes sur tout le plateau et dans le Valromey. Les Allemands établissent leur PC à Brénod, au Montoux mais la neige abondante ralentit leur avancée. Les fermes isolées sont évacuées par les résistants qui fuient pour échapper à la capture. Cependant trois résistants partis de la ferme de la Gouille font l’erreur de traverser la route départementale sur laquelle ils rencontrent un convoi allemand. Ils tentent de s’échapper mais sont immédiatement abattus. Un monument a été érigé sur les lieux de cet événement tragique.
- Marguerite CHABOT,
- Emilie FAIVRE,
- Pierre BASTIEN, non rentré,
- Félix BORY, non rentré,
- Bernard CARRIER,
- Jean CARRIER ,
- Marcel CARRIER,
- Alphonse CIROUX,
- Jean DEFFEUILLE,
- Henri FAIVRE,
- Fernand FONTAINE, non rentré,
- Gaston JACQUET, non rentré,
- Alexandre JARRIN, non rentré,
- Eugène JOLY, non rentré,
- Jacques LANCE,
- Roger LETOURMY.
Extrait des "Vagabonds de l'Honneur" ¨Pierre G. Jeanjacquot:
Brénod, centre de l’activité, paye un lourd tribut. Dix immeubles sont détruits.
Tardy s’est enfui de son garage incendié. La boulangerie Carrier et l’hôtel Guy subissent le même sort. Le garage Follet est grenadé. Le traître Avon arrêté par le Maquis et qui a profité de l’attaque pour échapper au châtiment livre la gendarmerie depuis longtemps au service de la Résistance. Le chef de brigade, Pfirsch, les gendarmes Traffay, Limousin et Rousset sont arrêtés, Poncet, Barbe et Rebold n’échappent que par miracle. Daniel Morand, l’instituteur qui fournissait les faux papiers, est pris avec le notaire, Me Pélisson, chef de secteur A.S. (Traffay, Rousset, Pélisson et Morand sont morts à Mauthausen).
Remerciements à Lucien Carrier, qui a permit à son petit-fils Romain Carrier d’effectuer ce beau travail de mémoire sur la rafle du (dimanche ndlr) 6 février 1944 dont a été victime les habitants de son village:.
" Le 6 février commence le jour qui marquera à jamais l’histoire du village. Mon grand père ainsi que toutes les personnes présentes ce jour peuvent encore en témoigner de manière tellement spontanée et détaillée qu’il semble que c’était hier.
A 8h00, la bourgade est encerclée par des soldats allemands et italiens sous la direction de la Gestapo et des SS. Il y a beaucoup de neige dans les rues et les soldats entrent dans les maisons en expliquant que c’est pour un contrôle. Au passage, ils se ravitaillent si le besoin s’en fait sentir. Ils obligent les hommes de 15 à 70 ans à se rendre à ce contrôle. Les soldats vont aussi piller la fromagerie mais aussi toutes les réserves de chocolat faites dans certains foyers. C’est un détail qui a marqué mon grand père : leur gourmandise pour le chocolat. Le rassemblement se fait sur la place du village ; les personnes comme mon grand père sortant de la messe sont aussi contraintes de rejoindre le contrôle. Le curé du village étant quasi bilingue tente d’obtenir sans succès plus d’informations. A 12h00 pour cause de tempête de neige, les hommes sont dirigés vers la salle des fêtes sans explication. L’attente commence avec son lot de questions.
Les hommes sont autorisés à parler mais il reste des sentinelles à l’extérieur, de toute façon personne n’osait imaginer s’enfuir. La rafle de Nantua est dans toutes les têtes mais personne n’en parle. Il n’y a pas de WC ils doivent uriner par les fenêtres ; les jeunes tiennent les vieux pour ne pas qu’ils tombent... Vers 16H00, le contrôle des cartes d’identité est fait en bon ordre par un officier SS reconnaissable par sa casquette avec des têtes de mort. Deux colonnes parallèles sont faites. Mon grand père ayant 16 ans, il est dans celle des très jeunes et des anciens.
L’officier allemand monte sur la scène et dans un français impeccable annonce : « Le maquis est chez vous et vous ne voyez rien, vous avez voulu la guerre, vous l’avez. Votre village brûle aux quatre coins ». A l’extérieur des étincelles passent devant les fenêtres et l’odeur du feu envahit la pièce. « On pensait qu’on allait tous brûler dedans » explique mon grand père.
Cependant ces flammes proviennent de l’incendie de la boulangerie où sont entreposées une importante quantité de bois et de farine. D’autres maisons subissent le même sort : la maison Massonnet, Tardy ou encore la fromagerie et chez Billémaz. Le garage Follet est quant à lui dynamité.
Pendant ce temps, les fermes sont perquisitionnées : les Allemands traquent les maquis qui ont heureusement évacués les lieux. Les fermes du Molard, du Pré Guy, du Fort et deux fermes de Pré de Joux seront incendiées. Ces dernières le seront à l’aide de bombes incendiaires depuis un avion. Les Allemands projetaient aussi d’utiliser un canon pour viser les fermes.
Dans l’après midi du 6 février 1944, mon arrière grand père et son cheval ont été réquisitionnés par les Allemands pour mettre en position un canon dans un champ enneigé afin de tirer sur les positions des maquisards. En effet du fait des dénonciations, les Allemands connaissent parfaitement leurs cibles. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point. La rafle n’a pas été faite qu’au village, les Allemands sont aussi allés dans les fermes. La ferme du Cernay marquée d’une croix rouge sur les cartes des Allemands a subi ce sort. Mon arrière-arrière grand-mère et ses deux fils sont placés les mains sur la tête dans la cour sous la neige pendant la fouille de la ferme et le pillage de certains biens.
Malgré l’arrestation de ses deux fils et leur départ, mon arrière-arrière grand-mère aura tout de même le courage de se plaindre à l’officier en charge de la fouille pour se faire restituer les bijoux dérobés par un soldat durant « le contrôle »… Elle se retrouve alors seule, dans une ferme isolée avec de nombreux animaux à s’occuper.
Revenons maintenant à Brénod où l’attente et l’incertitude se font pesantes dans la salle des fêtes. Aux alentours de 19H30, des véhicules arrivent et la première colonne sort en rang de la salle des fêtes. L’officier précise aux autres : « vous ne bougez pas avant 20H00 montre en main ». Le convoi démarre vers l’inconnu dont certains ne reviendront jamais.
A 20H00, le groupe sort constatant l’étendue des dégâts et étouffant les derniers incendies. Les Allemands sont partis mais maintiennent toujours leur PC au Montoux.
Le lendemain, ils vont revenir pour occuper la Poste car c’est là que se trouve les moyens de communication. Dans la semaine suivante, les Allemands reviendront encore le mardi avec la Gestapo : « manteau de cuir et traction avant ». Ils investissent la gendarmerie et reprochent aux gendarmes ne pas avoir faire leur travail d’arrestation des résistants malgré les soupçons sur plusieurs personnes. 5 gendarmes seront ainsi emmenés à leur tour. Les Allemands et la Gestapo ne sont pas venus seuls, ils sont accompagnés d’un SS en tenue. Cet homme connu de tous était quelques jours auparavant un « simple » habitant du village. Il était venu s’y installer et fréquentait beaucoup les cafés et les lieux publics du village, en fait à la recherche d’informations. Peu de temps avant l’arrivée des Allemands, il fut appréhender par la Résistance et emmener dans une ferme pour être interrogé. Les maquisards voulaient le tuer mais un officier de la Résistance a dit qu’il méritait d’être jugé et il resta emprisonné dans la ferme. Cependant, au début de l’opération allemande, les résistants se sont sauvés et l’ont laissé. Les soldats allemands l’ont délivré et ont pu se servir de ses informations. Cela explique pourquoi les incendies étaient ciblés et pourquoi les Allemands savaient où chercher. Cela explique aussi la rafle des 5 gendarmes. Les maisons Raymond et Pélisson sont brûlées ce jour là.
Le mercredi comme il neigeait toujours et que nombre de paysans étaient recrutés pour dégager les routes avec les chasse neige. Une voiture allemande s’arrête devant la maison familiale de mon grand père pour demander un cheval pour tirer l’automobile. Difficilement mon grand père, seulement âgé de 16 ans, explique qu’il faut des bœufs pour tirer un tel véhicule et appelle un cousin âgé de 14 ans, ils vont donc avec leur attelage tirer sur 2 kilomètres la voiture en se disant qu’ils ne reviendraient jamais, leurs familles étaient mortes d’inquiétude compte tenu des événements des jours précédents. Comme les bœufs fatiguent, les occupants de la voiture descendent tous, mon grand père reconnaît à peine l’un d’entre eux : le notaire du village le visage tuméfié. Il apprendra plus tard qu’il était en fait un chef de l’Armée Secrète et il ne le reverra jamais. Une fois la voiture dégagée, les deux adolescents rejoignent aussi vite que possible leurs foyers.
Les Allemands reviendront une ultime fois le dimanche suivant pour brûler l’Hôtel Guy et la maison du notaire. C’est alors la fin de l’opération allemande qui aura eu comme conséquence le départ de 34 personnes du village et la destruction de nombreuses habitations. Tout comme Brénod, d’autres villages du plateau ont subi un sort similaire. 5 personnes furent fusillées et des maisons brulées à Corlier, d’autres furent aussi fusillés à Evosges, Montgriffon et au Petit Abergement. Il y a aussi des rafles dans la ville d’Hauteville mais du fait de la présence des sanatoriums et de nombreux malades de la tuberculose, les arrestations furent ciblées."