La présence de la Résistance, des Maquis est connue de Vichy et des Allemands. Fous de rage de voir des forces armées défiler à Oyonnax et de constater l’inefficacité des GMR, les Allemands réagissent à la fois contre les esprits et contre les Maquis.
Dans l’Ain :
Contre la population
A NANTUA LE 14 DECEMBRE 1943
Voici des extraits d’une plaquette éditée à la Libération par un collectif et rédigée par Madame Paulette Mercier, intitulée :
De la défaite à la Victoire au Pays d’Alphonse Baudin.
“Le 6 décembre, un petit groupe de maquisards promenait dans les rues de la ville un singulier cortège : un couple de collaborateurs, tenanciers d’un café de la ville, en très légère tenue, arborant la croix gammée sur leur dos. La femme avait été préalablement tondue par les petits gars indignés de sa complaisance pour les soldats allemands…
Les passants ne réagirent pas et le cortège passa pratiquement inaperçu de la majeure partie de la population.
Cette promenade est un souvenir douloureux pour les Nantuatiens. Au lendemain des terribles opérations du 14 décembre 1943, une affiche fut placardée sur les murs de la ville….
C’est un fallacieux prétexte et la réalité était toute autre : nous avions un Sous-Préfet ( Mr Demay, ndlr), décoré de la Francisque, admirateur passionné du Maréchal et de sa politique… Il était très orgueilleux, très imbu de lui-même ; de plus il haïssait la Résistance. Il se raidit dans son attitude et se montra un ennemi implacable. Il dramatisa tous les coups de main du Maquis et décrivit Nantua comme un dangereux repère de terroristes. A plusieurs reprises au cours de l’été il avait demandé l’envoi de forces de maintien de l’ordre dans la région. Il perdit tout contrôle de lui-même lorsque le 13 décembre le Maquis enleva sa voiture (elle sera utilisée lors du sabotage des usines Schneider au Creusot 3 jours plus tard, ndlr). Aveuglé de fureur, il passa son après-midi au téléphone, et le soir du 13 décembre, le Docteur Mercier déclarait à ses amis : « je viens du P.C., je leur ai demandé de déménager cette nuit ; il y aura certainement une attaque demain, le Sous-Préfet est devenu fou !Une attaque contre le Maquis était prévue, ce fut une rafle qui eut lieu.
Le mardi 14 décembre 1943, dans l’aube glauque d’un jour d’hiver, un train entre en gare, il en débarque une nuée de S.S., ils cernent la ville de toute part, occupent la poste. Par groupe de deux ils pénètrent dans les maisons endormies : pêle-mêle, sans distinction d’aucune sorte, ils arrêtent tous les hommes valides. Brutalement, à peine vêtus, à coups de crosse, ils sont conduits à la gare, parqués dans des wagons à bestiaux.
La stupeur et l’épouvante figent tous les visages.
Le Docteur Mercier n’est pas arrêté, car la rafle épargne le corps médical. Mais il est incapable de rester chez lui alors que la terreur règne partout. Il est terriblement inquiet, au sujet de l’hôpital qui déjà abrite des maquisards blessés. (Georges Béna entre autres, chef du camp de Granges, ndlr) Il sort donc pour se rendre à l’hôpital. Il est arrêté en route et conduit à la gare comme les autres. Comme les autres…jusqu’au moment où une dénonciation infâme parvint au chef S.S. qui dirigeait l’opération.
Le chef SS vint alors le chercher, et le séparant de ses compagnons, le conduisit dans le bureau du chef de gare où nous (Paulette Mercier ndlr) avons pu le voir en fin de matinée. Il souriait encore, mais son visage était fort pâle :
J’ai été dénoncé nous dit-il ; l’allemand en m’entraînant ici m’a dit ” je ne vous interroge pas, je sais que vous êtes le chef du Gaullisme.
Au milieu de la matinée, un groupe de nouveaux prisonniers arrivent à la gare, plus attendrissants encore que les autres : ce sont les élèves du collège.
Les allemands ont fait irruption dans leurs classes, ils les ont fait aligner dans la cour au milieu de laquelle, ils avaient installé une mitrailleuse. Les mains levés, ils ont été fouillés, les allemands n’ont pas remarqué le minuscule drapeau anglais que beaucoup d’entre eux portaient à la boutonnière de leur blouse grise. Ceux qui ont dix huit ans, ou accusent cet âge par la taille, ont été arrêtés.
Ce sont eux qui arrivent maintenant. Ils marchent au pas, dressent fièrement la tête et toisent les allemands. Ils entrent dans la gare et partagent bravement le sort de leurs aînés… Les allemands laissent pénétrer par petits groupes les femmes qui se dirigent vers les wagons, portant des lainages, quelque nourriture, un peu d’argent… Le train s’est ébranlé vers midi, emmenant 130 hommes et leurs bourreaux. Il a quitté Nantua lentement comme un convoi funèbre, et c’est ce qu’il était en réalité.
Quelques minutes après le départ du train, deux voitures quittaient la gare : dans la première se trouvaient le capitaine de gendarmerie (Vercher, ndlr) et Antonin Allente, premier adjoint au Maire. (en fait de la délégation spéciale nommée par Vichy, ndlr) Ils furent emmenés à Montluc, un mois plus tard à Buchenwald où devait mourir Antonin Allente.
Le Docteur Mercier monte dans la seconde. Il quitte Nantua à son tour, sourit encore à travers la glace à ses amis qui se trouvent là.
Quelques heures plus tard, un passant découvrit son cadavre criblé de cinq balles de mitraillettes, sur le bord de la route, à Maillat, à sept kilomètre de Nantua.
La lutte était finie pour lui… chacun rentra chez lui, emportant sa peine, comme un animal blessé rentre dans son terrier, et la nuit tomba sur une ville morte.
Le chef de la famille ou un enfant chéri, manquait dans de nombreux foyers, mais chacun mit ce soir là son chagrin personnel au second plan, et la ville entière pleura le Docteur fusillé.
Il avait donné sa vie, mais ses compatriotes ne lui marchandèrent pas les marques d’affection, et pendant les deux jours où son corps reposa dans le cabinet de consultation, où nous l’avions vu si souvent, la population de la ville et du canton entier défila et versa des larmes sincères sous le regard figé des « observateurs » de la Gestapo.
Et l’année s’acheva dans le plus sombre désespoir….Chacun agissait mécaniquement, vivait par vitesse acquise. Nous ne réalisions ni le danger, ni la douleur : tel ce patriote (Mr Ravier ndlr) qui pendant les jours qui suivirent l’exécution du Docteur Mercier, effectua les liaisons nécessaires avec la Maquis malgré la surveillance étroite de la Gestapo, avec, dans son portefeuille, l’avis de décès de son fils René.”
Une affiche est placardée le lendemain dans Nantua justifiant la déportation des Nantuatiens, au fait que l’emblème nazi (croix gammée) avait été profané. (Voir NANTUA sur la carte des communes).
70 ans aprés ces évènements, peut-être pouvons-nous aller au delà et ne plus adhérer à cette thèse allemande. Un discours politiquement correct voulait éviter, à la Libération, de mettre toutes les répressions sur le “dos” de la Résistance. Quel poids pèse pour les Allemands cette promenade d’un couple marqué de croix gammées, face à un défilé d’hommes en armes un mois plus tôt, face à un Maquis qui ne peut exister qu’avec un soutien de la population et que Vichy ne peut mâter.(ndlr)
Dans le Jura :
Contre un Maquis
Le camp Margaine
Le 17 décembre 1943, à la nuit, 8 camions de la Wehrmacht montent de Septmoncel vers Lamoura.
Aux alentours de Prémanon le groupe Margaine occupe 5 camps, installés au Mont-Fier, au chalet de la Tuffes, aux Jacobeys, à Prémanon et à Lamoura. Composés de 80 maquisards ces 5 camps ne possèdent qu’une STEN (mitraillette anglaise) pour 4.
Les Allemands sont conduits à l’aube du 18 décembre par R. Clavière , ancien maquisard passé au service des nazis. Il les dirige chez Charles Gruet-Masson, le boulanger de Lamoura qui ravitaille le maquis. Sommé de guider les Allemands aux camps du maquis, il les emmène sur le versant opposé où le chalet est vide. Il est torturé puis abattu.
Toujours sous la conduite de R. Clavière, le traître, la chasse continue dans la forêt du Massacre. 2 maquisards restés sur place pour couvrir la fuite de leur camarade sont tués : Simon Monnet âgé de 23 ans et Louis Brunel âgé de 22 ans. 54 maquisards passent en Suisse où ils sont désarmés et internés. Deux s’évadent en avril 1944, une vingtaine après le débarquement : ils reprennent alors la lutte.
Les Allemands fusillent 2 jeunes, porteurs d’armes à Lamoura ; là, un cultivateur de 69 ans ne répondant pas suffisamment vite aux ordres, est exécuté.
Témoignage de François SCHNEIDER : Résistant d’origine alsacienne, placé par l’A.S. du Jura comme interprète de la Gestapo à Lons le Saunier. Réquisitionné par le chef de la Gestapo, il a été témoin des déclarations de Clavière et présent auprès des deux hommes, avec les troupes allemandes à Lamoura le 18 décembre 1943.