Témoignage de René PARISET alias BILL
Arrivée dans les Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I).
6 juin 1944 j’apprends par la T.S.F. le débarquement en Normandie. J’étais à la maison puisque, cette année-là, je ne passais pas le baccalauréat.
Je m’attends à recevoir un ordre des F.U.J. de rejoindre, mais rien. Il faut savoir qu’à cette époque les moyens de communications étaient quasiment inexistants: pas de téléphone, pas de point de chute, pas de liaison.
Néanmoins mon attente sera courte face a ce vide. Deux jours plus tard je suis contacté par un responsable local de l’A.S., Georges Bessard.
Sans hésitation je rejoins le groupe à St-Nizier-Le-Bouchoux, groupe installé sommairement dans les locaux de l’école communale. C’est le premier jour de la participation active aux F.F.I.
Je ne sais si mes parents furent très heureux de me voir partir. Cependant ils ne firent aucune objection, ignorant tout de ma participation à la Résistance. Le 8 juin 1944, arrivée à St-Nizier-Le-Bouchoux où commence l’organisation des groupes dans le bâtiment scolaire. Organisation interrompue rapidement car une unité allemande investit le bourg et tue deux personnes dont une fillette de 13 ans. La situation n’était pas tenable. Il est vrai que la Bresse, faiblement vallonnée, offre moins de possibilités que la partie montagneuse du Revermont ou du Bugey.
Nous sommes obligés de nous replier, puis la dispersion s’effectue en petits groupes à partir de la forêt située entre Cormoz et Saint-Amour. À pied, en pleine nuit, avec deux camarades alsaciens, je transporte un fusil et des munitions; c’était une lourde charge. Direction Varennes-St-Sauveur, puis le hameau du Tillet, à Curciat-Dongalon. Harassés, nous arrivons dans un petit bois. Nous nous installons provisoirement en attendant de nouvelles directives.
Le mois de juillet est jalonné de changements. Successivement nous nous retrouvons d’abord à Foissiat, puis à St-Nizier-Le-Bouchoux, à l’orée des “Grands bois”, la forêt du Villard.
Il me souvient d’un soir de juillet où, à la nuit tombée, à l’Est l’horizon rougeoyait d’une manière inhabituelle, nous laissant pressentir des événements peu réjouissants. C’étaient les incendies allumés par les Allemands dans le Revermont.
Nouveau déplacement. Tous les groupes du secteur C-7 se rassemblent à Servignat dans une ancienne ferme qui devient notre camp. Camp dont le commandant était le lieutenant Albert.
Enfin pour éviter une trop grande concentration deux groupes quittent le camp pour s’installer à nouveau à St-Nizier-Le-Bouchoux dans deux lieux distincts où les bois sont à nouveau nos refuges.
Je fais partie d’un groupe d’une douzaine de maquisards dont les chefs sont Georges Bessard et Louis Charvet. Il est constitué essentiellement de Bressans. Parmi nous trois anciens du conflit de 1940 qui avaient plus d’expérience. Nous nous installons dans les bois sous de grandes bâches qui servent de tentes entre les hameaux de Boz et de Beroude.
À partir de cette période, août 1944, les actions se précipitent et semblent annoncer une nouvelle phase du conflit.
Réception d’un parachutage. C’est le premier auquel je participe en montant la garde sur la route départementale de Lescheroux à Beaupont. Il est prévu au lieu-dit Chamandray dans un vaste pré. Effectué par un beau clair de lune, j’ai encore présent en moi l’image des parachutes rouges, jaunes, blancs auxquels étaient suspendus des containers chargés d’armes et de munitions. C’étaient des armes de guerre anglaises. La récupération est rapide. Les containers chargés sur un camion sont transportés au camp. On m’attribue un fusil de guerre tout neuf. Le groupe dispose maintenant d’armes et de munitions dont un fusil-mitrailleur.
Plus de répit. Au cours des jours suivants nous emmenons du ravitaillement au Crêt de Chalam avec deux camions. Nous sommes accompagnés du groupe de Michel Pesce. Nos deux chargements contiennent surtout des sacs de farine. Départ du moulin Billaudy à Malafretaz, via Moulin-Des-Ponts, St-Etienne-Du-Bois, Treffort, l’Ain est franchie sur le barrage de Cize, seul passage utilisable en août 1944. Oyonnax est contournée, enfin voici La Pesse puis le Crêt de Chalam. Étant donné la faible vitesse des camions, un jour est nécessaire pour effectuer la montée, un deuxième pour redescendre en Bresse. Le convoi arrive sans encombre.
Un deuxième convoi partira à nouveau dans la dernière semaine d’août pour le Crêt de Chalam. Arrivés a destination, nous ne trouvons plus personne. Nouvelle illustration de l’insuffisance ou de la difficulté de communication. Décision est prise de descendre à Oyonnax où le chargement, du sucre notamment, est déposé à la coopérative l’Aurore, je crois.
26 août 1944. notre groupe prend position sur la route Bourg-Mâcon, près de la Croisée de Bâgé, au lieu-dit l’Aumusse – face au terrain de golf actuel de Mâcon. Bientôt notre sentinelle nous alerte. C’est la première véritable attaque d’un convoi allemand à laquelle je participe. Dans ces courts instants qui précèdent l’affrontement la peur nous étreint. Puis dans le crépitement des mitraillettes, fusil-mitrailleur et fusil tout semble s’estomper. Combien de temps cela dura-t-il ? Je ne me souviens pas.
Bilan: le groupe inflige des pertes sévères au convoi allemand: 7 morts et des blessés dont je n’ai jamais connu le nombre. De plus, deux soldats allemands qui circulaient à bicyclette derrière le convoi sont capturés sans grande résistance.
Le soir du 30 août le groupe est appelé avec d’autres du secteur C-7 à assurer la protection d’un atterrissage dans la prairie de la Saône entre Pont-De-Vaux et Arbigny. Plusieurs personnalités venant d’Angleterre étaient réceptionnées par l’un de nos conférenciers actuels, Jean Triomphe, responsable des atterrissages et des parachutages pour les départements de R-1 (la Région Rhône-Alpes actuelle, plus le sud des départements du Jura et de Saône-et-Loire). Je ne l’ai appris qu’une cinquantaine d’années plus tard.
Les jours passent et ne se ressemblent pas toujours. En cette fin du mois d’août et début septembre 1944, l’armée allemande bat en retraite et regagne l’Est avec tous les moyens qu’elle trouve, y compris à bicyclette. C’est dans ces circonstances que notre groupe prend position sur une petite hauteur qui domine la route départementale 996. Près de nous un groupe F.T.P. est aussi en position car, le matin, plusieurs combats avaient eu lieu près de Cormoz. C’est ce jour que notre camarade Jean Rabeyrin devait trouver la mort dans ce secteur.
Rien ne se passe. La pluie tombe et dans la grisaille de cette fin de journée notre groupe décide de repartir. Cette fois, surprise, ce sont les Allemands qui nous surprennent et nous attaquent. Heureusement le Sevron nous sépare d’eux et un petit bois, derrière nous, est un abri précieux. De plus le groupe F.T.P., resté en position, protège par un tir nourri notre repli. Ce jour là, la chance était de notre côté.
Enfin en ce premier lundi de septembre c’est la libération. L’armée allemande a définitivement quitte la Bresse. Nous sommes à St-Julien-sur-Reyssouze où arrive la première jeep avec quelques soldats américains. Inutile de décrire la joie de la population qui les accueille.
Parlant quelques mots d’Anglais, je suis désigné pour partir avec cette patrouille américaine en avant-garde. Direction Romenay puis La Chapelle-Thècle où un avion américain avait été abattu. Plusieurs rafales de mitraillette rendent inutilisables les pièces susceptibles d’être récupérées. Le périple continue par Montpont, puis Curciat-Dongalon et la jeep me ramène au point de départ.
Dernier épisode de cette période. Quelques jours après la Libération je suis appelé pour arrêter un soldat allemand. Ce dernier égaré derrière le gros de la troupe déjà bien loin essayait de regagner l’Allemagne. Ce fut un prisonnier de plus.
Enfin au 30 septembre 1944 je quittais définitivement le camp pour rejoindre ma famille et effectuer la rentrée au Lycée Lalande.