Bilan : 4 civils et un maquisard tués
… D’un peu partout des groupes allemands se forment en colonnes infernales et veulent disloquer les Maquis pour les exterminer.
Je ne parlerai que de la colonne d’ Arinthod, puisque je l’ai vécue.
Ce mardi 11 juillet au matin mon père, facteur à Arinthod, est désigné pour effectuer avec son vélo la « tournée de la Boissière » qui compte 19 km. Car depuis avril 44 le Receveur a été déporté ainsi que le facteur Monnier mon cousin, des remplaçants ont rejoint le Maquis : la Poste fonctionne tant bien que mal et chaque jour une tournée reste a effectuer d’où la rotation des facteurs.
Jacques Faivre monteur des P.T.T. a pu téléphoner depuis Orgelet relatant les représailles de Dompierre et il ne peut que dire « Les voilà…. » Mais les facteurs partent…
Un groupe de maquisards qui se replie, s’installe au cimetière couvrant la chicane Nord d’ Arinthod afin de permettre la retraite des autres.
Affolement dans la population, ma mère met un quignon de pain dans une musette, un pull et m’envoie à Sousonne rejoindre mon père qui doit y passer en fin de tournée. Chaussé de gros souliers, je descends des arcades quand je rencontre mon voisin Marc Fromont et Henri Desprez, le père de mon copain Jacques, qui remontent.
« Tu vas à Sousonne ? Remonte, on ne peux pas passer vers le château Charpillon les boches balaient la route et tirent sur tout ce qui bouge ». Retour. Henri Desprez rentre chez lui, Marc Fromont rentre avec moi, appelle ma mère pour se grouper chez lui, les premières balles arrivent sur les chéneaux. Rosa la belle sœur de Marc dont le mari a été déporté en avril, arrive avec son fils.
D’origine Suisse, elle parle allemand et chaque fois qu’il y a une opération dans le coin, les Frigolins ont une voiture à faire réparer chez Marc le mécanicien, elle sert d’interprète. On grimpe dans la salle au-dessus du garage afin de voir ce qui se passe, le Maquis se replie en tiraillant, le dernier F.M. en batterie au coin de la rue part en tirant de courtes rafales. Ils ne sont pas loin…. Même très prés, dans les jardins on se fait arroser et une rafale descend les vitres, par la cuisine même chose, alors de la cave au bout de la forge, Rosa annonce « Je ne comprend pas les commandements ce n’est pas de l’allemand »…..et pour cause.
Les soldats aux casques camouflés de branchages suivent le Maquis par la rue perpendiculaire à la nôtre enfonçant toutes les portes, tirant à l’intérieur des maisons.
Le bruit des détonations décroît en direction de la place du faubourg. Une camionnette passe avec une bâche jetée sur des corps, puis des bruits de sabots, les chevaux conduits par quelques soldats s’éloignent pour rejoindre leurs cavaliers.
Vers les 16 Heures, Rosa Fromont décide d’aller chez elle.
A son retour on apprend les malheurs : Henri Desprez a été tué chez lui, André Hugon est sérieusement blessé, le Maquis en se repliant sous les arcades a du faire quelques cartons et la horde a suivi.
Tout ce qui pouvait se boire, eau de Cologne….. a été liquidé par les Cosaques de l’armée de Vlassov qui constituait le gros de la troupe, les magasins sont pillés, saccagés. Un maquisard gît dans le caniveau de l’autre coté de la rue où il a été achevé.
Et mon père ? Une fois de plus on attend, vers 17 heures il arrive avec son sac de courrier, et il raconte.
En arrivant au village de Dramelay il a entendu les premiers coups de feu. Grimpant sur un arbre pour découvrir Arinthod, il a vu les premiers cyclistes formant la tête de la colonne essuyer les premières rafales, puis se replier pour riposter. C’est alors que l’escadron a mis pied à terre, laissé les chevaux dans les blés, et encerclé méthodiquement Arinthod donnant l’assaut à la première fusée.
Le combat ayant cessé et ne voyant aucune fumée, le maire de Dramelay lui a offert une soupe le dissuadant de poursuivre sa tournée. Le bureau de poste étant saccagé, il ne distribua la courrier que le 12.
Le soir une camionnette arborant une énorme croix rouge mais avec des gars juchés sur les ailes mitraillettes à la main vont relever le Maquisard, ce qui leur valut une « sortie » de la part des anciens Poilus…
Et on apprend le drame de la gare de Chatonnay, deux de mes copains de classe (18 et19 ans), de garde ce jour là, ont été tué par les Cosaques : Paul Gauthier et Edmond Perret, puis que Serge Ribato a été exécuté à Anchay, que Robert Mauron est mort lui aussi prés des Fours à Chaux.
Ce mois de juillet 44 est maudit.
Le 15 au soir on nous prévient que les Cosaques repassent de nuit, que faire ? Rester habillé pour fuir, c’est tout ! Sur le coup de 4 Heures du matin, les bruits de sabots résonnent à nouveau, mais ils passent.
Et ce dimanche 16 au matin, l’arrière-garde casse la croûte, des automitrailleuses…. Ils sont encore en face de ma cuisine à faire réparer un véhicule. Puis 2 ou 3 Tractions avant, portes enlevées, passent vers les 10-11 heures avec des officiers S.S..
Un quart d’heure plus tard, l’une d’elle revient : les occupants hurlent des ordres, tout le monde repart au plus vite. Que se passe-t-il ? Du haut d’un balcon qui domine la route de Lons, un cri jaillit « Ugna brûle ».
Les Tractions « allumées » par des Maquisards ont subi des pertes, le village le plus proche est détruit. Dans l’après midi, le pharmacien, sa femme, la sage-femme, conduits par Auguste Jourdain dans son tilbury attelé de sa mule, et muni d’un fanion de la Croix Rouge, s’aventurent. Heureusement pas de victimes, après ce coup d’éclat, la population était partie au bois…..
C’est trop long, fastidieux, inutile…. Je m’en moque, mais il fallait que quelqu’un l’évoque.
Pierre Pelletier (voisin des Froment)